http://www.romaingary.org










-> Accueil Romain Gary

Amis contemporains de Romain Gary...

Anais Nin

"Frêle, avec de grands yeux d'un vert marin, une peau basanée de méridional et une bouche dont le contour a été abîmé par une contraction, un rictus (à la suite d'une blessure de guerre) qui gâtait la régularité de ses traits. N'était sa bouche, qui lui donnait un air de malfrat, il eût été bel homme. (...) J'avais le sens de l'échec, qui est la malédiction de ma vie. J'avais tellement souhaité un ami écrivain. Gary aussi parlait d'échec ; il avait le sentiment que l'on échoue soit dans sa vie, soit dans son oeuvre. Et ce qui me déprima le plus, ce fut son interrogation : pourquoi écrivons-nous ? Je m'adressais à l'auteur des Couleurs du jour, et il n'était nulle part dans le livre, il n'était pas le personnage romantique, mais le cynique. Gary partit en voyage en Amérique du Sud et je me trouvais avec une impression d'amitié manquée. "
Anaïs Nin, Journal , Stock, 1977.


"Nous nous retrouvâmes au Café à Paris àl'occasion de son prix Goncourt pour Les Racines du ciel . En le voyant, je m'aperçus qu'il était profondément sombre et déprimé. Il m'expliqua qu'il avait tout fait pour sa mère. Elle voulait qu'il fût un grand soldat (il avait fait campagne avec Malraux et il avait été décoré, un bourreau des coeurs (il y avait beaucoup de femmes pour en témoinger) et un grand écrivain. Elle est morte et le prix n'a donc pas de sens pour lui.Cela aurait dû venir lorsqu'il avait trente ans.(...) La soirée fut disloquée et mal accordée. Encore une amitié manquée. Ce n'était qu'une amitié, mais lorsque je compris qu'il ne s'intéressait qu'à poursuivre les jeunes filles,je me détournai et offris mon amitié à Lesley Blanch."
Anaïs Nin, Journal , Stock, 1977.


Roger Grenier

"Souvent, dès notre première sortie, à sept heures et demie du matin, nous le rencontrions traînant dans la rue, allant acheter les journaux, boire un café au tabac d'en face.Gary disait que la rue du Bac était sa patrie. Tant d'origines se mêlaient en lui : Tartare Juif, Russe, Polonais, qu'il n'avait pas envie d'être citoyen du monde, ou européen ou même français.Il fallait qu'il appartienne à une toute petite province, même pas. Donc, la rue du Bac."
Roger Grenier, Le Sourire d'Ulysse, Gallimard, coll. L'un et l'autre 1998


Philippe Labro

Gary, c'était la rue du Bac, la rue de Grenelle, la rue Montalembert,le boulevard Saint-Germain, la rue Sébastien-Bottin, les bistros de ces mêmes rue, il appartenait au paysage, il y appartient toujours, j'ai souvent la certitude que je viens d'apercevoir son fantôme. C'est un des rares disparus dont je conserve, intacte, la démarche, aisément reconnaissable de loin, de dos, et l'allure, mi-romanichel, mi-prince russe, mi-saltimbanque, mi-aristo, ce charme, cette étrangeté, cette séduction, cette façon de porter,avec soi, une tristesse venue d'ailleurs."
Philippe Labro, Je connais gens de toutes sortes,Gallimard, 2002


Costa-Gavras

"J'étais passionné par tous les livres de Romain. (...) Il n'est pas facile d'adapter Gary. Si on veut rendre ses personnages et leur langage réaliste, trop quotidiens, on tue complètement l'histoire. Pour Clair de femme, j'avais décidé que les personnages parleraient comme dans le livre. On me l'a reproché, mais je crois que j'ai bien fait. J'ai essayé d'être fidèle à la personnalité de Gary(...)."
(Costa-Gavras, extraits de propos recueillis par Bernard Fauconnier pour le Magazine littéraire, mars 2004)


Michel Déon

"(...) Un soir que nous dînions tous les deux dans une taverne, comme on est parfois un peu vif, je lui ai que je n'avais pas beaucoup aimé Les Têtes de Stéphanie. Qu'est-ce que je n'avais pas dit ! C'était un écorché vif. Il est vrai que la presse a souvent été très dure avec lui. Mais c'était quelqu'un d'extrêment attachant. Il avait ce côté cosmopolite que j'aime. Pas au sens mondain : une vraie passion pour d'autres cultures, l'Amérique, l'Europe de l'Est."
(Michel Déon, extraits de propos recueillis par Bernard Fauconnier pour le Magazine littéraire, mars 2004)


Bernard Henri-Lévy

"Mais enfin c'est de littérature, donc, qu'il entendait cette fois parler.Il voulait montrer -me montrer- qu'il avait des idées sur la question. Des thèses. Il n'y avait pas que Malraux, que diable ! Il pensait, lui aussi. Il était autre chose que cet éternel ancien consul, ancien mari de Jean Seberg, dans le rôle duquel j'avais, chaque fois que nous nous voyons, tendance à l'enfermer. Et tout le début de la conversation - assez pathétique bien sûr, quand on sait, comme aujourd'hui, dans quelle folle aventure il était alors lancé- tourna autour du mal qui lui était fait par ceux qui, comme moi, le réduisaient à cette inutile et étouffante biographie."
Bernard-Henri Levy, Les Aventuriers de la liberté, Grasset, 1991

"1. La troisième vie de Romain Gary (1999)
«Après tout, pourquoi mourir?» C'est ce que pensa Romain Gary, en cette soirée du 2 décembre 1980. Il rangea le vieux browning que lui avait offert Dimitrov et dont il s'apprêtait à faire un si mauvais usage. Il fit disparaître la robe de chambre rouge qu'il venait d'acheter afin de s'offrir un élégant linceul. Et il regarda la situation avec sang-froid. «Oui, pourquoi mourir, alors que je possède encore deux vies? Gary et Ajar... Ajar et Gary... Pourquoi franchir la limite quand on a, en poche, deux tickets encore valables?» Rêveur, il alla ranger son testament dans un coffre du Crédit lyonnais, à l'angle de la rue du Bac et du boulevard Saint-Germain. Il enfila une chemise de soie mauve et un poncho mexicain multicolore. Et il s'en alla chez Lipp où, avec un appétit tout neuf, il dévora une entrecôte pour deux." suite


Bernard-Henri Levy, Récidives, Grasset, 2005.

"Images de Gary, chez Lipp, son chapeau sur la tête, des vestes extravagantes, des ponchos, des pantalons de cuir effrangés, l'air absent, somnabule, enigme total, toujours seul mais entrecôte pour deux. (...) Je me souviens de lui, chez lui toujours, ermite exténué, affalé dans son fauteuil Knoll, ou peut-être Formes nouvelles, hâbleur, un peu vulgaire, adorant parler argent, pensions alimentaires, droits de cinéma, budgets de films, frais d'avocats, amours passions et amours mercenaires, prix de la liberté et, soudain, tirée d'un vague album, une vieille photo de lui et Lesley Blanch, qu'il me tendait comme une preuve - mais de quoi ?"
(Bernard-Henri Levy, propos recueillis par Bernard Fauconnier pour le Magazine littéraire, mars 2004)


William Styron

"Gary, cet écrivain à l'immense talent, que je ne connaissais que vaguement à l'époque et qui par la suite devint un de mes amis très chers, m'avait informé que Camus, dont il était un intime, avait lu Un lit de ténèbres et avec une grande admiration. (...) Camus, me dit Romain, faisait de temps à autre allusion au profond désespoir qui l'habitait et parlait de suicide. Il en parlait parfois en plaisantant, mais la plaisanterie avait un arrière-goût de vin aigre, qui n'allait pas sans perturber Romain. (...) Tandis que nous bavardions, j'eus l'impression que certaines des hypothèses de Romain, quant à la gravité du désespoir qui assaillait Camus, se trouvaient renforcées par le fait qu'il avait, lui aussi, commencé à souffrir d'un état dépressif, ce qu'il reconnut franchement. Un état qui n'entravait en rien son travail, affirma-t-il, et qu'il parvenait à contrôler, quand bien même il l'éprouvait de temps à autre, cet état d'âme pesant et délétère, couleur vert-de-gris (...). D'origine juive et né en Lituanie, Romain m'avait toujours paru marqué par une mélancolie très Europe de l'Est, aussi n'était-il pas facile de s'y retrouver. Néanmoins, il souffrait. Il m'avoua qu'il était capable de percevoir la lueur vascillante de ce désespoir que lui avait décrit Camus."
William Styron, Face aux ténèbres , Gallimard, 1990.




Mais aussi :

André Asséo, Rêver Kessel, Editions du Rocher

André Asséo, Souvenirs inexacts, Editions Nil

Kessel, Des Hommes, Gallimard

Jean-Michel FOLON, qui illustra la couverture de Gros-Câlin : -> en savoir plus

et les textes que vous proposerez !