Première édition
L'Angoise du roi Salomon Mercure de France, Paris, 1979, 374 p. Tiré à 5000 exemplaires, puis 3 éditions successives au Mercure. Repris par Gallimard en 1987.
Dernier des "Ajar" et grand succès d'édition, publié dans le contexte sombre d'une fin de vie que n'éclaire que le fatalisme de l'humour juif...

Résumé
Jeannot, belle gueule et grand coeur, est un chauffeur de taxi parisien. Un jour, lors d'une course, il rencontre Monsieur Salomon, vieux Monsieur juif, ancien roi du pantalon et tiré à quatre épingle. Le richissime vieillard va l'employer dans son association caritative : SOS Amitiés. Notre héros rencontre bientôt une ancienne gloire de la chanson réaliste, Cora Lamenaire. Cora reconnaît vite en Jeannot un mec, un vrai, avec une gueule à la Belmondo ou à la Lino (Ventura).
Extraits Choisis
"Il était monté dans mon taxi boulevard Haussmann, un très vieux monsieur avec une belle moustache et une barbe blanches qu'il s'est rasées après, quand on s'est mieux connu. Son coiffeur lui vait dit que ça le vieillissait, et comme il avait déjà quatre-vingt-quatre ans et quelques, ce n'était pas la peine d'en rajouter."
"Je tiens à vous dire, mes jeunes amis, que je n'ai pas échappé aux nazis pendant quatre ans, à la Gestapo, à la déportation, aux rafles pour le Vél' d'Hiv', aux chambres à gaz et à l'extermination pour me laisser faire par une quelconque mort dite naturelle de troisième ordre, sous de miteux prétextes physiologiques. Les meilleurs ne sont pas parvenus à m'avoir, alors vous pensez qu'on ne m'aura pas par la routine. Je n'ai pas échappé à l'holocauste pour rien, mes petits amis. J'ai l'intention de vivre vieux, qu'on se le tienne pour dit!"
"Le temps est une belle ordure, il vous dépiaute alors que vous êtes encore vivant, comme les tueurs de bébés phoques."
Bibliographie
Critiques de l'époque
« Quel talent de conteur ! Le dernier livre de M. Ajar est brillant mais profond, souvent drôle mais pathétique, rebondissant mais lourd de vérité, plein d'humour mais humain. Il se lit d'un trait, mais on y revient, comme on retourne aux chefs-d'oeuvre. Laissons les louanges, il y a mieux à dire. Plus simplement, merci, merci M. Ajar. »
Max-Pol Fouchet, V.S.D.
« On va aimer Ajar pour ce qu'il est vraiment : un comique exceptionnel, un conteur fabuleux jamais à court d'invention, verbale ou autre, un virtuose de l'humour qui vise au plus profond. »
Jacqueline Piatier, Le Monde.
Critiques et essais libres sur ce livre par les garyens : envoyez vos contributions !
En 1979, les productions Ary-Gajar nous proposent l'ultime fiction d'Emile :
L'Angoisse du Roi Salomon
Humour juif et amour noir, amour juif et humour noir. Telles sont les bases du stock de la maison Rubinstein .
Pour bien les goûter, la préparation est délicate : bardez-vous d'un cynisme total mitigé d'un coeur de midinette. Vous y êtes ? Alors, en route !
Jean, un jeune autodidacte qui biberonne au dictionnaire, taxi et bricoleur de ses états, nous conte l'histoire de Salomon Rubinstein, quatre-vingt-quatre ans, enfant prodige raté reconverti dans le prêt-à-porter et amoureux d'une jeune écervelée de soixante-cinq ans, Cora Lamenaire ci-devant chanteuse réaliste, de son plus-en-état.
Ils ont tous deux connu les aléas de la guerre : lui, caché dans une cave pour persécution, elle au bras d'un voyou gestapiste par amour. Avant, ils étaient ensemble. Elle l'a « oublié » pendant quatre ans. Lui non plus. D'où rancune. Et ça fait trente cinq ans que ça dure ! Une sacrée histoire d'orgueil .
Pour sortir de là, il faudra l'habileté démoniaque d'Ary-Gajar. Salomon va se servir du gars Jeannot comme d'un appât-révélateur qu'il tend à la Cora. En quoi ça consiste au juste ? Comptez pas sur moi pour vous l'expliquer. Allez-y voir vous-même.
Parce que le dénouement de l'intrigue n'est pas ce qui importe. La midinette en vous sera comblée, ça je peux vous le dire. Ce qui compte, c'est que l'auteur fait montre tout au long de l'ouvrage d'un parfait équilibrisme. Le sujet, c'est la vieillesse. La décrépitude. La mort. Qui rendent tout le reste vain. Qui créent l'angoisse (ou pétoche). Inévitables. Irrémédiables.
Et face à ça… Un Don Quichotte octogénaire en costume prince-de-Galles qui ne veut rien savoir, rien comprendre, rien abandonner. Un réac de la vie qui s'accroche à son privilège avec toute l'énergie de l'espoir. Le jeune Jean en est parfois malade ! Il y a de quoi. Mais que ça lui plaise ou non, c'est l'espérance qui l'emportera.
Deux ans avant de nous tirer sa révérence, Roman Kacew nous avait fait ce cadeau. A mon sens le plus beau de tous : un cocktail détonnant où se mêlent subtilement la profondeur de la réflexion, l'inventivité langagière d'un Ajar à son meilleur et tout l'humour du monde… Un livre triste à pleurer de rire. Un vrai livre de vie.
Jacques Etienne
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